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De l'importance du bilinguisme

Publié le par portugais

L'association Divskouarn, le Conseil Général du Finistère et le Conseil Régional de Bretagne ont organisé une campagne de promotion du bilinguisme précoce en Bretagne, en agissant dès le plus jeune âge et auprès des jeunes familles. Ainsi, une plaquette sur le thème du bilinguisme sera remise à toutes les familles qui viennent d’avoir un enfant, en les informant de l’importance de parler plus d’une langue à leur enfant. C’est une initiative qui a l’intention de promouvoir le bilinguisme afin d’améliorer le développement linguistique et scolaire de l’enfant, en renforçant la diversité culturelle et linguistique de la société. Selon les études effectuées par ces organismes, les langues les plus parlées dans le Finistère sont, après le français, le breton, le portugais, le turc, l’arabe et l’allemand. Ces résultats prennent aussi en compte les communautés étrangères installées dans la région. Quelques unes de ces communautés ont participé à l’élaboration de la plaquette et ont participé à la soirée de lancement de cette campagne, le 20 janvier 2012, à Brest. Après les discours d’ouverture de Christian HUGUEN (Président de Divskouarn), de Pierre MAILLE (Président du Conseil général du Finistère) et de Lena LOUARN (Vice-présidente du Conseil régional de Bretagne), des enfants bretons et portugais ont chanté des petites chansons dans leurs langues, donnant lieu au spectacle de théâtre Ra Pa Poum Pa de Lucia Farella. Ensuite, il y a eu une conférence menée par Pascale Planche sur le bilinguisme précoce, puis une table ronde avec des professionnels et des associations témoignant de l’immigration et de l’importance des langues.

Les premières communautés portugaises arrivées en France partageaient l’idée qu’il ne fallait pas parler portugais à leurs enfants en vue de leur intégration dans la société française. Ceci, donnant lieu quelques fois à un sentiment de gêne du fait de parler leur langue dans les rues, de montrer aux français qu'ils étaient étrangers. Pour certains, il s’agit encore aujourd’hui d’un manque de respect de parler dans sa propre langue, même chez soi, lorsqu’une des personnes présentes ne parle pas le portugais. Aujourd'hui, beaucoup de jeunes et d’enfants d’origine portugaise ne parlent pas leur langue d'origine, la langue de leurs parents et de leurs grands-parents. D'autre part, beaucoup de professionnels défendaient à tort qu’il ne fallait pas mélanger le portugais et le français, pour ne pas affecter l’apprentissage du français à l’école et pour réduire ou éviter des difficultés comme, par exemple, la dyslexie. Lors de la table ronde, on a constaté que ce phénomène s’était produit aussi avec d’autres communautés, mais aujourd’hui on peut assister, heureusement, à une hausse de la fierté par rapport à ses origines, surtout dans les contextes où la diversité culturelle est valorisée. Pour d’autres, la langue française reste la langue de l’intégration et il est difficile d’affirmer ses origines quand on souhaite être inséré dans la société et dans la vie professionnelle.

Depuis quelques années, nous entendons parler du bilinguisme et du multilinguisme comme un atout, point de vue contraire à ces idées reçues face au fait de parler plus qu’une langue depuis l’enfance. Quelques régions françaises ont senti le besoin de donner de la continuité aux langues régionales comme l’alsacien, le breton, etc. en créant des classes bilingues dès le plus jeune âge. En effet, il est important de souligner que le bilinguisme précoce commence à la naissance, dès que l’enfant est prêt à apprendre des sons, des mots et tout un langage humain. Plus tard, il acquiert de sa famille des nouveaux mots, des phrases et des expressions, il est prêt à intégrer une ou plusieurs cultures, des façons d’être propres à ses origines, à ses parents. L’enfant peut, ainsi, apprendre deux ou plusieurs langues avec ses parents ou apprendre une langue de son père et une autre de sa mère. Il est possible d’attribuer une langue à chaque parent, lorsqu’ils sont d’origines différentes, même si le parent ne parle pas bien sa langue d’origine.

Selon Pascale Planche, professeure de Psychologie du développement de l’enfant et de l’adolescent à l’Université de Bretagne Occidentale, en conférence lors du lancement de la campagne à Brest, plusieurs études confirment que le fait d’être bilingue dès le plus jeune âge stimule des capacités cognitives importantes du cerveau, en facilitant la capacité d’apprentissage et en améliorant les résultats obtenus dans toutes les autres matières. En effet, un enfant qui apprend deux langues arrive parfaitement, plus tard, à distinguer non seulement une langue de l’autre, mais aussi les contextes et les personnes avec qui il peut parler dans chacune des langues. Toute personne peut devenir bilingue à un moment donné de sa vie, mais elle ne sera jamais aussi bilingue qu’une personne qui a acquis les langues dès le plus jeune âge, c’est le bilinguisme dit précoce. Il faudra favoriser le développement du langage chez l’enfant, le plus tôt possible, car les compétences liées au langage sont à la base de l’image que l’enfant a de lui-même, de son identité et de son appartenance culturelle. Il est donc nécessaire que l’enfant évolue dans un environnement stimulant, où la langue parlée par ses parents est valorisée, de façon naturelle, c’est-à-dire, sans le forcer et sans le corriger s’il mélange les deux langues au départ ou s’il ne prononce pas correctement.

Dans le cas de la langue portugaise, comme pour toutes les autres langues vivantes, il est important de trouver un contexte en dehors de la maison où l’enfant peut parler portugais, comme par exemple une assistante maternelle, une crèche, une association, d’autres personnes de la même origine, etc., surtout lorsque la langue n’est pas enseignée à l’école. Aussi, grâce à la télévision par satellite et à Internet, il est possible de regarder des dessins animés, de faire des activités ludiques et d'e commander d'acquérir des livres et des CD/DVD en portugais. Ces activités ne remplacent pas, bien évidemment, le rôle des parents à la maison, qui doivent lui parler en portugais idéalement tous les jours, et pas uniquement pendant les vacances ou dans des situations ponctuelles.

Enseignante de Portugais/Français dans le Finistère et traductrice interprète près la cours d’appel de Rennes, je suis moi-même bilingue depuis l’enfance et j’ai pu habiter au Portugal pendant plusieurs années. A Brest, le portugais n’est pas, malheureusement, enseigné dans les écoles primaires. Les associations portugaises à Brest et à Landerneau se sont alors mobilisées afin de perpétrer la transmission de la langue et de la culture portugaises aux enfants de cette communauté. Sept ans après mon retour en France et travaillant depuis avec des enfants de 4 à 12 ans auprès de ces associations, j’ai pu constater que les enfants qui entendent et parlent portugais chez eux progressent très vite dans l’apprentissage de la langue. Un cours d’une heure et demie par semaine ne suffit pas, lui seul, à leur apprendre la langue de façon idéale, surtout si l’enfant n’a pas été exposé à la langue portugaise à la maison. Le cours est une opportunité de rencontrer d’autres enfants et adultes qui parlent la même langue, d’apprendre d’autres mots et d’autres expressions, de perfectionner ce qu’il sait déjà, de lui donner confiance afin de stimuler son expression et sa compréhension, en vue d'une autonomie linguistique et de la valorisation de son identité.

Chaque famille devra faire l’effort de parler en portugais à leurs enfants dès le plus jeune âge, en nommant et en décrivant des objets et des situations, en reprenant des petites formules de la vie courante, en lisant des histoires et comptines en portugais, etc. Parler et comprendre le portugais est un grand atout qui ne remplace pas l’apprentissage de la langue française. Combien de fois entend-on dire qu’un bilingue apprend plus facilement d’autres langues? Selon des études, on peut voir que les enfants qui fréquentent une classe bilingue ont des résultats plus satisfaisants dans toutes les autres matières, y inclus en mathématiques. De plus, le fait de parler une autre langue pourra être un acquis valorisant dans la vie professionnelle de l’individu, dans un monde mondialisé où tout semble possible et à portée de main. Savez-vous que la langue portugaise est une des langues les plus parlées dans le monde ?

La possibilité de suivre des cours ou de faire des activités en portugais à l’école ou en association est très importante pour les enfants qui grandissent en France et qui sont d’origine portugaise. A chaque semaine qui passe, je peux le constater dans leurs regards, leurs comportements et lorsqu’ils comprennent et répondent en portugais. Les enfants de l’association Casa de Portugal à Brest ont été invités à chanter en portugais à l’ouverture de cette soirée de lancement du 20 janvier 2012 et c’est avec une grande fierté qu’ils l’ont fait devant un public français. J’ai senti qu’ils avaient franchi un grand pas dans la valorisation de leur identité et ceci a été une grande récompense pour eux, pour leurs parents et pour moi aussi. Après cette soirée, j’ai senti le besoin de dire à tous les lusophones installés dans le monde : parlez portugais à vos enfants et favorisez vos origines ! Etre bilingue est un grand atout et une fierté pour la vie !

Tous mes remerciements au Conseil Général du Finistère pour la visibilité donnée au portugais dans cette campagne et pour croire en la diversité culturelle et linguistique.

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